Le programme Model-UN, une menace pour nos médias ?
Otto Kölbl
Nos médias veulent nous faire croire que le régime communiste chinois tente par tous les moyens d'empêcher la population de s'intéresser à la politique, ceci pour garder le monopole dans ce domaine. Or, de nombreux éléments indiquent que cette attitude fait partie du passé; on peut citer enter autres les programmes "Modèle des Nations Unies", qui fleurissent dans les universités et lycées chinois, après avoir conquis les établissements ailleurs dans le monde. Il est surprenant de constater que nos médias se sont apparemment mis d'accord pour cacher ce phénomène sous le voile du silence.
Les programmes "Modèles des Nations Unies" ou "Model-UN" sont des activités extrascolaires organisées dans les écoles secondaires supérieures et les universités et hautes écoles spécialisées. Les élèves y simulent avec l'aide d'enseignants les différents organes de l'ONU comme le Conseil de sécurité, l'Assemblée générale ou le Conseil des droits de l'homme, afin de se familiariser avec le fonctionnement de cette institution.
Le thème d'une telle simulation est un conflit international, comme par exemple le conflit israélo-palestinien, le différent entre la Chine continentale et Taïwan ou le programme nucléaire iranien. Les élèves sont répartis en équipes dont chacune représente une partie impliquée dans le conflit.
Au préalable, les équipes doivent s'informer sur le conflit et en particulier sur la position de la partie qu'ils représentent. Lors de la simulation elle-même, qui se déroule en général en anglais, ils doivent défendre leur position de la manière la plus convaincante possible, puis élaborer en collaboration avec les autres parties une résolution qui puisse mettre toutes les parties d'accord. Les équipes sont ensuite évaluées selon leur prestation.
Les meilleures équipes de leur institution peuvent ensuite prendre part à des simulations au niveau national, puis à une réunion au niveau international. Ils peuvent s'y mesurer à des élèves ou étudiants d'autres pays et faire leur connaissance dans diverses activités sociales.
Depuis les années 1990, ces programmes sont devenus de plus en plus populaires dans les écoles et universités chinoises. Quand j'ai enseigné en 2005 dans la Northwestern Polytechnical University, j'ai connu plusieurs étudiants qui avaient participé à un de ces programmes. Une personne avait même pu participer à un sommet mondial à New York, grâce à une subvention du gouvernement qui couvrait la moitié des frais du voyage.
Même si les simulations elles-mêmes se font en présence d'enseignants, ceci ne signifie pas une limitation des sujets de discussion acceptables. Selon les indications d'une personne, des "sujets sensibles" comme le Tibet ou Taïwan sont vivement discutés. Comme les participants ne défendent jamais la position du pays dont ils sont originaires, les chances d'aller plus loin dépendent justement de la faculté de se mettre à la place d'un autre pays.
Comme dans chaque faculté des universités publiques se trouve un ou une secrétaire du parti communiste qui suit de très près tout ce qui se passe, il est donc clair que ces activités ont le soutien du parti.
En 2006, le sommet mondial du programme Model-UN a eu lieu pour la première fois à Beijing. On peut y voir une sorte de préparation aux Jeux Olympiques de 2008 : le sommet Model-UN devait également promouvoir les contacts directs entre des personnes venues du monde entier et la population locale, dans le cadre d'une compétition pacifique.
Cependant, ce sommet n'a même pas été mentionné par nos médias. Ces derniers boudent également les activités européennes en rapport à ce programme. Beaucoup de personnes qui ont fait leurs études ou travaillent dans des universités ne savent rien de l'existence de ces activités, alors qu'elles existent dans leur université.
Pourtant, ce programme contribue certainement à promouvoir la compréhension entre les cultures, et quand j'en ai parlé à des Européens, ceux-ci y étaient vivement intéressés. Nos médias y verraient-ils une menace contre leur monopôle de l'information ? Est-ce que par la nature égalitaire des relations entre les pays qu'ils mettent en scène, ils remettent en question le leadership occidental dans le domaine de la politique internationale ? Nos médias préfèrent de loin nous montrer des villages au milieu de la savane africaine ou dans les montagnes du Cambodge où des Occidentaux philanthropes construisent une école ou sauvent des bébés malades.
En particulier, une information sur le sommet mondial de Beijing ou ne soit-ce que les programmes dans les universités chinoises les forceraient à abandonner le mythe soigneusement construit des Chinois ignorants du monde extérieur, qui permet d'ignorer superbement leur opinion et tout ce qu'ils peuvent bien dire, surtout s'il s'agit de voix critiques envers les médias occidentaux.