Déçus par les médias occidentaux
Zhang Yafei
Neri-Wang Xiangping
La confrontation entre les médias occidentaux et la Chine, notamment suite aux récents événements de Lhassa, m’a fait réfléchir.
Commençons par un dialogue entre une mère et sa fille. Le jour où la flamme olympique est arrivée à Paris, dans la rue grouillant de monde, une fillette demandait à sa maman "Pourquoi Free Tibet"? "Parce qu’ils ont envahi le Tibet", lui a-t-elle répondu. En entendant ce bref dialogue, ça m'a rappelé mon enfance. Mes parents et mes grands-parents me disaient que la Chine est un pays aux 56 ethnies et non pas un pays dominé par une ethnie particulière. Les Mongols, les Manchous, Tibétains ainsi que d’autres sont tous des Chinois. Ensuite, tout ce que j’ai pu apprendre dans les écoles primaire et secondaire ainsi qu'au gymnase ne pouvait que graver ce concept dans mon esprit. De ce point de vue, mon cerveau en a été «imprégné» voire « lavé » comme les médias occidentaux ont tendance à dire en parlant de nous.
Aujourd’hui, j’essaie d’y réfléchir d’une autre manière, notamment en faisant comme si j’étais un frère ou une soeur d'ethnie tibétaine en exil. Sans surprise, il ou elle devrait logiquement avoir reçu de ses parents, de ses grands-parents en exil, de son entourage et des médias de son milieu, une même idée, mais contraire à ce que j’ai eu de mon côté. L'opinion publique occidentale est également formée en fonction de son entourage, surtout sous l’effet répétitif des médias. C’est ce que révèle le dialogue entre cette mère et sa fille dans une rue à Paris.
A travers cette observation, j’ai pu tirer une première leçon : Chacun d'entre nous, quelle que soit son origine, son éducation ou son statut social, vit dans son environnement avec les médias qui lui sont proches dans le sens propre. Ainsi, la plupart des gens réfléchissent et réagissent avec un cerveau « lavé » d’une manière ou d’une autre.
L'attitude des gens face à leurs médias évolue dans le temps. La réforme et l’ouverture de la Chine commencées il y a 30 ans par Deng Xiaoping a stimulé le sens critique des Chinois et sonné le glas de l'obéissance absolue envers les autorités. Car de nos jours, dans une ère informatisée, comme d’autres peuples du monde, nous avons accès à des informations par le biais de moyens que l’on ne saurait bloquer complètement, malgré une censure partielle. Nous sommes devenus plus éveillés, plus critiques envers notre propre gouvernement. Face aux médias officiels, on essaie de déchiffrer la réalité en lisant entre les lignes. On peut critiquer et dénoncer la mise au pas des médias, mais elle ne saurait nous rendre aveugles ou sourdsmuets. Comme Rome n’a pas été bâtie en un jour, il y aura encore un long chemin à parcourir en matière de liberté d’expression en Chine.
Parallèlement, une autre idée s’est forgée petit à petit dans notre esprit : les médias occidentaux seraient plus neutres, transparents et impartiaux que les nôtres. Partant de ce constat subjectif, un grand nombre de jeunes Chinois, notamment ceux nés dans les années 80, ont quitté leur pays pour entreprendre des études en Occident, et pour profiter des acquis des pays développés en matière de démocratie, de liberté d’expression et de liberté sous toutes ses formes.
Or, face aux profonds changements qui ont façonné la Chine ces 30 dernières années, l’opinion publique ainsi que les médias occidentaux au regard de la Chine ont peu évolué de leur côté. Au fond, leur position et leur point de vue ont été figés dans le passé, basés sur des récits dépassés, des visions parfois déformées voire des préjugés. Le public reste encore très influencé et attaché à ses propres médias. Quand les médias occidentaux reportent ce qui se passe en Chine, une grande partie du public y croit avec ardeur, sans réflexion personnelle ni réserve quelconque.
Après les événements du 14 mars de Lhassa, quand certains médias en Occident ont condamné la Chine d'une seule voix, en se basant en partie sur une connaissance partielle de l'histoire, ainsi que des images tronquées, déplacées dans le temps ou publiées avec une fausse légende, les étudiants chinois séjournant en Occident ainsi que toute la diaspora chinoise ont immédiatement réagi. A part leur amour pour la Chine, ils possèdent un sens critique aiguisé contre les médias qui tentent de déformer la réalité par des méthodes peu professionnelles, voire indignes et inadmissibles du journalisme. Ayant vécu des années en Chine et habitant actuellement en Occident, ces jeunes Chinois ont été entièrement désavoués et profondément déçus par les médias occidentaux. Leur rêve de la liberté d’expression et de la démocratie à l’occidentale a été complètement brisé. La crédibilité des médias occidentaux a été réduite à néant.
N’oublions pas que l'avenir de la Chine est aux mains de ces mêmes Chinois. Aujourd’hui, face aux faits vus de leurs propres yeux, ils ont pris conscience que l’Occident n’est pas ce qu’ils avaient imaginé auparavant. Une nouvelle conception est née à travers ce conflit, ce choc direct dont ils sont témoins, auquel ils ont participé en personne. Il s’agit d’une nouvelle génération chinoise, qui aura plus de sens de critique aussi bien envers leur propre gouvernement qu'envers l’Occident. Ils sont convaincus qu'avec le temps, d’ici peut-être encore une ou deux générations, ils réussiront à trouver et à bâtir un modèle de démocratie, y compris une liberté d’expression, qui soit adapté à la Chine, au lieu de reproduire en Chine un modèle occidental.
En fin de compte, en voyant aujourd’hui les jeunes Chinois séjournant en Occident engagés dans un tel bras de fer avec certains médias occidentaux, je me demanderais s'il n'était pas temps que ces derniers évoluent pour adapter l'image qu'ils donnent de la Chine à la réalité actuelle, et présentent une vue plus équilibrée, ne serait-ce que dans l'intérêt du grand public en Occident, y compris cette mère et sa fille se trouvant à Paris, ce jour-là.